26 SEPTEMBRE – 15 OCTOBRE 2023

De Terrence McNally

Adaptation française de Pierre Laville, Actes Sud-papiers. Master Class est représenté dans les pays de langue française
par Dominique Christophe / l’Agence, Paris
Avec Maria Mettral, Lorianne Cherpillod, Sarah Pagin, Erwan Fosset, Michel Favre et Nicolas Le Roy (piano)
Mise en scène, Michel Favre. Lumière, Rinaldo Del Boca. Son, Nicolas Le Roy. © Anouk Schneider

Horaires
Mardi, vendredi 20h • Mercredi, jeudi, samedi 19h • Dimanche 17h
Relâche lundi

SYNOPSIS

– Nous autres artistes, on doit piétiner dans la boue avant de s’élever jusqu’aux étoiles !

Dans les années septante, une classe de chant, donnée par Maria Callas.
La pièce, créée à New York en 1995 avec Zoe Caldwell dans le rôle de la diva fait un tabac. Puis en français, dans la traduction de Pierre Laville, c’est Fanny Ardant qui l’interprète avec succès dans une mise en scène de Roman Polanski. À Genève, en première suisse, c’est Maria Mettral qui relèvera le défi, avec tout le panache et l’humour qu’on lui connaît.

Les dialogues, d’une grande efficacité, abordent l’art de la scène et le travail des artistes avec humour et intelligence. Parmi d’autres questions, celle de l’engagement et du jusqu’au-boutisme nécessaires pour maîtriser son instrument – en l’occurrence la voix – sont au cœur de cette « Master Class ».

Le comédien et metteur en scène Michel Favre a eu l’idée formidable de proposer cette pièce aux Amis, une occasion unique de tisser un lien entre la musique classique et le théâtre, et de fêter l’anniversaire de Maria Callas, qui aurait eu 100 ans en décembre 2023 !

Coproduction Théâtre du Pont Neuf / Les Amis – Le Chariot avec le soutien de la Loterie romande, le Fonds Mécénat SIG, le Schweizerische Interpreten stiftung, Patrimoine Fondation Immobilière et la Fondation Burki, ainsi que d’Action Intermittence

 

LA PRESSE 

AUX AMIS, MARIA METTRAL INCARNE LA CALLAS, ET C’EST LE GRAND FRISSON
Le Temps, 28 septembre 2023

Dans «Master Class», la comédienne genevoise ressuscite la diva face à trois élèves chanteurs. Entre les airs d’opéra et le coaching musclé, la soirée étourdit d’intensité

«Je n’ai jamais eu autant d’émotions au théâtre.» La confession de cette spectatrice de 84 ans, grande amatrice d’opéras et de spectacles, vaut son pesant de référence. Et c’est vrai. Lorsque Maria Mettral, alias la Callas, évoque le regard en feu ce tournant de 1954 où la diva a remporté un immense succès à la Scala de Milan en chantant La Somnambule de Bellini, le public des Amis est sous le charme. Et sous le choc, car il y a de la rage dans celle qui conclut ce triomphe par: «J’ai encore gagné.»

Mais l’émotion est aussi légère et heureuse dans Master Class, pièce de 1995 de l’Américain Terrence McNally, en première suisse à Carouge, après avoir été créée à Paris avec Fanny Ardant. Face à Lorianne Cherpillod, Sarah Pagin et Erwan Fosset, jouant les élèves chanteurs qui mûrissent dans la douleur au fil des conseils de la star, le public frémit d’une émotion particulière, celle que procurent la transmission et l’accomplissement de soi. Sans oublier, bien sûr, les airs d’opéra, ces perles brillantes tirées de La Somnambule, Macbeth et Tosca et chantées avec élan sur le piano virevoltant de Nicolas Le Roy. Trois fois, la joie.

Maria Mettral, impériale
Si ce spectacle est si intense, c’est que, sous la direction de Michel Favre, Maria Mettral est impériale. La comédienne genevoise se révèle à la fois profonde, voire abyssale, quand elle plonge en elle-même pour dresser le bilan des années glorieuses de la diva. Et à la fois clinquante, voire clashante, quand elle assène ses recommandations à ses élèves tétanisés.

On a déjà souvent relevé le métier de la fringante Madame Météo à la RTS, notamment dans des textes de Dario Fo, mais ici, Maria Mettral impressionne par son intensité, ce feu dévorant qui a été nécessaire à la Callas pour remporter le morceau.

Inspirée de la réalité
La pièce, inspirée d’une vraie leçon donnée par la diva à la Juilliard School of Music de New York, raconte la détermination de celle qui a révolutionné l’art lyrique en amenant du sentiment et de l’étoffe aux personnages d’opéra. La Callas n’a jamais reculé devant l’effort ni le travail pour atteindre ce graal: bouleverser l’audience et obtenir jusqu’à 37 rappels. Adolescente, elle venait 6 jours sur 7 au Conservatoire de musique d’Athènes, où la famille avait déménagé après une première tranche de vie agitée aux Etats-Unis. Et se retrouvait parfois les pieds en sang faute d’être bien chaussée, raconte-t-elle aux apprentis chanteurs.

Sa recette tient en trois mots: technique, discipline et courage. «Mute», traduit-elle en allemand, se souvenant d’y avoir recouru, lorsque, pendant l’Occupation, elle a dû chanter devant l’armée honnie. Mais le courage ne suffit pas. La connaissance des partitions et du personnage est indispensable pour vivre le rôle, ajoute celle qui hait le mot «jouer».

L’actors singing studio
Ainsi, à la soprano Sharon Graham (Sarah Pagin), qui s’apprête à livrer l’air de la lettre de Lady Macbeth dans l’opéra de Verdi, la Callas demande si elle connaît son Shakespeare, si elle l’a seulement lu. Et si elle mesure l’enjeu de la situation pour cette femme dévorée d’ambition.

De la même manière, quand le ténor Anthony Candolino (Erwan Fosset) se lance dans l’air du portrait de Tosca, sait-il dans quelle église il se trouve et a-t-il à l’esprit la nuit torride qu’il vient de passer avec son amante, teste la diva. Devant l’air paumé du chanteur, la Callas martèle son mantra: tout est dans le détail et tout est dans la musique. Ressentez la musique et respirez la situation avant de vous lancer. Le bel canto a vécu, vive l’actors singing studio!

Et le look alors?
La diva est aussi intraitable sur le look. Plusieurs fois, elle invite l’audience de cette master class, c’est-à-dire le public du Théâtre des Amis, à faire la différence en matière d’apparence. Elle sait de quoi elle parle: Evangelia, sa maman qui était aussi son premier agent, s’est toujours vantée d’avoir transformé son vilain petit canard de fille en un cygne stupéfiant. Maria Mettral, parfaite des pieds à la tête, n’a pas besoin d’artifices, mais elle excelle dans l’expression sourcils levés face aux fautes de goût ou de maintien de ses protégés.

La soirée file ainsi entre coaching sévère, retour sur un passé poignant – la Callas a cassé sa voix en dix ans – et puissantes envolées. Et c’est étourdie, de sons et de frissons, que l’audience a applaudi, mardi, soir de première, la comédienne-diva de la rentrée.
Marie-Pierre Genecand

 

MASTER CLASS DE TERRENCE MCNALLY AUX AMIS MUSIQUETHÉÂTRE : CALLAS, TRAGÉDIENNE À LA SCÈNE COMME À LA VILLE
J-Mag, 28 septembre 2023

Le théâtre carougeois trouve avec cette œuvre une belle occasion d’allier ses deux axes artistiques, le théâtre et la musique. En effet, quoi de plus évocateur que de convoquer la Callas, surnommée « La Bible de l’opéra » par Leonard Bernstein, pour questionner la nature du travail artistique, ses zones troubles où le travail, l’apprentissage, les facilités fusionnent avec la personnalité de l’artiste, ses failles, ses forces. Y a-t-il des limites au don de soi à son art ? Tout le monde peut-il prétendre au génie ? Comment développer une présence reconnaissable entre mille ? Ce sont toutes les questions, et quelques-unes encore, que la pièce, créée à New York en 1995 avec Zoe Caldwell dans le rôle de la diva, pose de manière impérieuse.

Master Class, succès à l’international depuis sa création, a été traduite en français par Pierre Laville pour une mise en scène de Roman Polanski avec Fanny Ardant dans le rôle-titre. La version suisse est mise en scène par Michel Favre avec Maria Mettral qui endosse avec force et brio le rôle de la cantatrice légendaire qui précisément ne chante plus, car elle a perdu sa voix de manière prématurée, et s’est retirée de la scène au mitan des années soixante. Terrence McNally s’est basé sur des notes prises lors d’une série de masterclasses données par Maria Callas à la Julliard School of Music de New-York en 1971. L’auteur étasunien met ainsi en lumière l’immense exigence de la cantatrice envers ses élèves, à l’image de l’exigence qu’elle a eu vis-à-vis d’elle-même toute sa vie. Les dialogues, inspirés de cette expérience réelle de ces cours magistraux, sont tout à la fois cruels et teintés de désir de transmission, remplis d’humour caustique mais aussi d’introspection poignante.

Sur scène, Maria Mettral, impériale, au port altier, transporte la passion tragique qui habite Maria Callas face à ses élèves, mais aussi face aux souvenirs qui remontent à la surface lors de ces instants où elle cesse d’interrompre les jeunes interprètes dans leur élan et se replonge dans sa propre interprétation d’antan des airs d’opéra. L’ardente tragédienne sur scène rencontre ici la vie tragique de la femme, Maria Anna Sophia Cecilia Kalogeropoulos, qui a commencé sa formation musicale très jeune – « je n’ai jamais été jeune, je ne pouvais pas m’offrir ce luxe si je voulais y arriver » lui fait dire Terrence McNally –, a vécu l’occupation nazie en Grèce pendant laquelle elle a souffert de grande pauvreté et a dû chanter pour les occupants, expérience amère qui pourtant lui a donné une impulsion pour le reste de sa vie, à travers un mot, der Mut, qui exprime le courage teinté d’audace, a dû faire face aux réflexions sur son physique au début de sa carrière et sur sa voix vers la fin, sans compter ses amours tumultueuses et dramatiques qui ont jalonné sa vie.

La Callas semble ici avoir plusieurs points de fixations (le look, ou plutôt l’absence de look, des jeunes gens, le mépris généralisé du détail, l’incapacité à écouter et à entendre, la présence sur scène comme dans la vie), l’un des plus intéressants que donne à entendre l’auteur est celui du pouvoir. La diva n’a de cesse d’expliquer qu’interpréter, c’est combattre et sublimer : « Ne manquez jamais une occasion de théâtraliser », dit-elle. « Une représentation, c’est un combat, une prise de pouvoir, vous devez gagner », poursuit-elle. C’est ici que le volontarisme de Maria Callas se cristallise, c’est elle contre tous et toutes s’il est nécessaire, car il faut avoir de l’estime pour l’art mais aussi du respect pour soi.

La figure de la Callas assène des aphorismes aux deux soprani (Lorianne Cherpillod et Sarah Pagin ) et au ténor (Erwan Fosset) de Master Class, provoquant dans un premier temps l’incompréhension, la peur, la paralysie, mais la transmission opère lorsque les trois jeunes artistes cessent de résister et laissent couler leur voix dans le flot intransigeant de l’essence des personnages joués. La mise en scène et les dialogues provoquent en creux la mise à nu de la cantatrice, mais c’est dans ces moments où les jeunes interprètes plongent dans leur aria que la Callas, La Divina, La Prima Donna Assoluta, se dévoile dans sa fragilité toute humaine : le chant des jeunes s’estompent, la scène devient noire, la lumière se concentre sur la cantatrice qui se remémore, sur fond d’extraits originaux de ses prestations, l’une ou l’autre des représentations, les applaudissements, les ovations, les fastes de la célébrité, et toute cette nourriture immatérielle qui emplissait sa vie.
Empoignant !
Malik Berkati

 

LA PIÈCE MASTER CLASS MET À L’HONNEUR LA CHANTEUSE LYRIQUE MARIA CALLAS
RTS, le 19h30, dès la minute 27:26, 6 octobre 2023