14 – 26 MAI 2024

Conception et mise en scène, Dorian Rossel et Delphine Lanza

Avec Fabien Coquil, Karim Kadjar et Alexandra Marcos
Texte, Carine Corajoud, en collaboration avec Dorian Rossel
Scénographie, Sibylle Kössler, Florian Gibiat
Lumières, Matthieu BaumannYann Becker. Création sonore, Anne Gillot
Costumes, Fanny Buchs assistée de Iryna Kliuchuk. Assistant mise en scène, Clément Fressonnet
Construction décor, Florian Gibiat. Photos, Daphné Bengoa

 

Horaires
Mardi, vendredi 20h • Mercredi, jeudi, samedi 19h • Dimanche 17h
Relâche le vendredi 17, le samedi 18 et le lundi 20 mai
Durée : 1h30

SYNOPSIS

Entre manipulations, disparitions et rebondissements, une histoire qui évoque avec humour le génie fabulateur de l’humain,
la beauté des rencontres et les hasards de la vie.
Un petit livre de poésies d’un auteur suisse, traduit à l’insu de ce dernier par un poète chilien, devient le symbole de la chute du dictateur Pinochet. Ce même petit livre trouve un écho inattendu dans la vie des trois personnes. Dans un décor coloré qui traverse les époques et les frontières jusqu’au Chili, nous voilà embarqués dans une enquête où trois destinées finissent par s’entremêler.
Ce spectacle de la compagnie genevoise “Super trop top”, créé au Théâtre Saint-Gervais en mars 2023, a connu un grand succès public et médiatique, ici comme ailleurs.

Production Cie STT / Super Trop Top
Coproduction : Théâtre Forum Meyrin La Grange Centre – Arts et Sciences – UNIL Théâtre Sénart – scène nationale MAL Thonon-Évian
Soutiens : Fondation Meyrinoise du Casino et Loterie Romande Vaud, Canton et Ville de Genève et Ville de Lausanne.
Elle est associée à la Maison de la culture Bourges/Scène nationale et la Maison des Arts du Léman

 

 

LA PRESSE 

 

L’EXTRAORDINAIRE SUPERCHERIE D’UN POÈTE CHILIEN

Natacha Rossel, Tribune de Genève,
15 mai 2024

Avec «Tous les poètes habitent Valparaiso», Dorian Rossel signe un spectacle vertigineux qui passe par Carouge. Critique.

L’épopée d’un poème d’un continent à l’autre. Une enquête borgésienne. Un article publié dans le quotidien «Le Temps», étincelle d’un spectacle… Assemblés façon dada, ces tessons composent «Tous les poètes habitent Valparaiso», création magistrale signée Dorian Rossel à La Grange, à Dorigny, avant Saint-Gervais à Genève, le Casino Théâtre de Rolle et aujourd’hui aux Amis musiquethéâtre à Carouge.

Sous la plume de Carine Corajoud, la pièce déplie les destins de trois personnages que rien ne reliait. Une actrice en errance, un humanitaire retraité et un artiste militant s’entrecroisent dans ce texte fragmenté où la fiction théâtrale et la création poétique entrent en résonance avec les souvenirs âpres de la dictature chilienne. Vertigineux.

Si rocambolesque soit-elle, la fable repose sur des faits bien réels. Une mystification littéraire. Un tour de passe-passe extraordinaire imaginé par un certain Juan Luis Martinez (1942-1993). Ce poète chilien de «néo-avant-garde» jouait volontiers avec la figure de l’auteur, interrogeant son rôle, lui qui aimait griffonner son nom avant de le barrer. Sa quête esthétique, tissée autour de l’effacement de l’écrivain derrière son œuvre, se réalisait dans des collages de textes et d’images, des emprunts – du plagiat, diraient certains.

Mises en abyme
L’histoire est ancrée dans le Chili de Pinochet. En 1988, Juan Luis Martinez publie deux poèmes, odes à la liberté scandées dans les rues de Valparaíso au moment où éclate le référendum contre le dictateur, entraînant sa chute. Ces deux textes sont réunis en 2003 dans un recueil posthume, «Les poèmes de l’autre», dix ans après la mort de l’écrivain. Qui est cet «autre»? Un double de l’auteur? Mystère.

Une autre décennie s’écoule. En 2013 paraît «Le poème anonyme», livre testament de Juan Luis Martinez. C’est dans cet ouvrage qu’un opiniâtre chercheur américain en littérature hispanique, Scott Weintraub, débusque l’incroyable supercherie: le recueil «Les poèmes de l’autre» est une traduction du «Silence et sa brisure», un ouvrage écrit en français par… Juan Luis Martinez.

Un homonyme, Catalan établi à Genève, qui a publié des poèmes de jeunesse, «travail d’un jeune homme épris d’absolu», avant de vivre mille autres vies: journaliste, scénariste de BD, délégué au CICR et enfin retraité dans son chalet valaisan. Scott Weintraub le rencontre et lui conte le voyage transatlantique de ses vers. Sa réaction? «Apprendre que ces poèmes ont eu une vie autonome, c’était merveilleux», relaie un article paru dans «Le Temps» en 2014… et point de départ du spectacle.

Dans une mise en scène subtile, déployant un faisceau de récits enchâssés et de mises en abyme, Dorian Rossel raconte cette histoire à la façon du poète chilien. Le spectacle avance par bribes, dévoilant peu à peu les pièces d’un puzzle assemblé par Aurélia Thierrée, Fabien Coquil et Karim Kadjar, triade d’interprètes au firmament évoluant dans une scénographie à la fois chamarrée et aérienne.

Épilogue à cette épopée poétique, Juan Luis Martinez – l’auteur du «Silence et sa brisure» – viendra écouter ses vers, dits sur scène près d’un demi-siècle après avoir été composés. Pour lui, confiait-il dans «Le Temps», «la poésie n’est pas un genre littéraire mais une façon d’être au monde». La maxime s’applique aussi au théâtre.

 

 

TOUS LES POÈTES HABITENT VALPARAÍSO

Rosine Schautz, Scènes Magazine,
n°364, mai 2024

C’est l’histoire (vraie ou non), donc genre Il était une fois, d’un journaliste genevois, Jean-Louis Martinez, qui voit ses poèmes de jeunesse se retrouver, à son insu, dans un journal chilien, au moment du grand plébiscite démocratique de 1988. Ils sont signés par un homonyme, voire un hétéronyme, Juan Luis Martinez.

On rembobine : 88, c’est la date du ‘no’. Après 15 ans de dictature, Pinochet dit urbi et orbi qu’il n’est pas un dictateur et annonce qu’il va faire un référendum (plutôt que d’organiser des élections…) pour savoir si l’on veut ou non encore de lui à la tête de l’état. Ruse de Sioux, car il est sûr de rester au pouvoir. Beaucoup d’exilés rentrent au pays, ils y sont dorénavant autorisés, et finalement c’est le ‘no’ qui gagne. Pinochet doit reconnaître sa défaite, et démissionner à 2 heures du matin, malgré l’hostilité de la majorité des membres du gouvernement. Mais il restera un peu from behind (en sous-groupe), aux manettes transparentes, jusqu’à être incité à plaider plus tard « sénilité » pour ne pas être traduit en justice.

Imaginez maintenant que ce livre d’un auteur suisse, travailleur humanitaire, ex-CICR note de bas de page, devienne sur le « point de colle » – symbole de la chute d’un dictateur… C’est là où le spectacle du vivant intervient, mettant en vue les hasards de la vie, les histoires parallèles, les croisements imprévisibles, ceux qui apportent de la poésie à la crue réalité factuelle, documentée, froide. Avec trois personnages…Le titre : Tous les poètes habitent Valparaiso pourquoi ?  Pour Pablo Neruda, Nicanor Parra et Gabriela Mistral peut-être, et pour cette ville férue de poésie, dont les murs sont graphés de poèmes, dans des calligraphies élégantes, esthétiques et durables.
Re-pourquoi ? Parce que la poésie est une militance douce et était leur compagne.

 

RENCONTRES POÉTIQUES POUR FAIRE TOMBER LES MURS

Fabien Imhof, La Pépinière,
extrait de la critique du 20 mars 2023

Comme toute enquête qui se respecte, Tous les poètes habitent Valparaiso présente toutes les pièces du puzzle, qu’il faut désormais assembler. Les scènes sont assez courtes, on passe d’un lieu à l’autre, de Genève aux États-Unis, de Valparaiso au chalet de Jean-Louis Martinez (…) Tous ces choix permettent une mise en scène extrêmement dynamique, avec un décor qui semble évoluer en permanence. Le tout est appuyé également par des récits parfois polyphoniques. L’apogée de ces instants étant sans doute la récitation du poème, en trois langues qui se superposent : français, anglais et espagnol…

(…) Rappelons que les deux Juan Luis Martínez ont véritablement existé et que Scott Bloom est en réalité Scott Weintraub, véritable chercheur américain spécialiste du poète chilien. Alors, on ne sait plus trop où on se situe, entre réalité et fictions.
Et, à la manière de la paroi du fond, de nouvelles perspectives s’offrent à nous.