1er – 20 OCTOBRE 2024

De Jean Racine

Avec Françoise Courvoisier, Linna IbrahimJosé Lillo, Sophie Lukasik
Patricia Mollet-Mercier, Nicolas Rossier, Juliana Samarine et Claude Vuillemin
Co-mise en scène, Françoise Courvoisier et José Lillo. Décor, Clément Schlemmer
Lumière, Rinaldo Del Boca. Son, Nicolas Le Roy. © Anouk Schneider

Horaires
Mardi, vendredi 20h • Mercredi, jeudi, samedi 19h • Dimanche 17h
Relâche lundi

Durée : environ 2h

 

EN DEUX MOTS…

– J’aime. Ne pense pas qu’au moment que je t’aime
Innocente à mes yeux je m’approuve moi-même…
Ni que du fol amour qui trouble ma raison
Ma lâche complaisance ait nourri le poison

Phèdre, épouse du grand héros grec Thésée, se meurt d’amour, au sens propre du terme, pour son beau-fils Hippolyte. Passion dont elle garde longtemps le secret, avant de le dévoiler à sa confidente. Cet aveu va déclencher toute une série d’événements tragiques et irréversibles.
Phèdre est-elle victime de la colère des Dieux ou coupable d’une flamme bien humaine et irrépressible ?
Racine interroge dans Phèdre notre condition d’être humain et la responsabilité de nos actes. Les Dieux ont-ils été inventés pour excuser nos faiblesses ? La tragédie est-elle une fatalité incontournable ou une fabrication des hommes ?

Complices depuis plusieurs années, Françoise Courvoisier et José Lillo se sont entourés de comédiens aguerris et comme eux amoureux de la langue racinienne pour monter le chef-d’oeuvre le plus abouti du grand dramaturge français.

Production Les Amis – Le Chariot avec le soutien de la Loterie Romande

 

Le texte écrit en 1666 d’après l’Hippolyte d’Euripide aura rarement été véhiculé avec autant d’intelligibilité et de scrupule que sur le petit plateau carougeois. Une lecture humble et experte des cocréateurs aura réussi à captiver, à la première du mardi 1er octobre, jusqu’à la classe de collégiens en cours de littérature française hors les murs. Alexandrins fluides pour déchirements épineux.
Katya Berger, Tribune de Genève

Françoise Courvoisier interprète une Phèdre bouleversante. Sa performance est marquée par un mélange subtil de fragilité et de puissance, alternant entre des moments de désespoir profond et des accès de rage. Sa Phèdre est une femme à la dérive, submergée par des passions qu’elle ne peut maîtriser. (…) Cette version de Phèdre par Françoise Courvoisier et José Lillo rappelle que, malgré la distance temporelle qui nous sépare du XVIIe siècle, les thèmes de la tragédie racinienne demeurent résolument contemporains (…) Le génie de cette mise en scène réside dans son équilibre entre respect du texte original et modernité de l’interprétation, permettant ainsi au public de ressentir toute la puissance de ce drame humain, profondément ancré dans les faiblesses et les passions des individus, dépouillé du voile commode de la responsabilité divine. Malik Berkati, J:mag

 

NI TOUT À FAIT COUPABLE ,
NI TOUT À FAIT INNOCENTE…

José Lillo, septembre 2024

A raison, Phèdre, de Jean Racine, est considérée comme le joyau noir de son œuvre, le sommet indépassable, où l’art de l’auteur, parvenu à une flamboyante maturité, se déploie sans fléchir d’un bout à l’autre, nous laissant, parvenus à son final épouvantable, subjugués et transis.

Dans sa préface, Jean Racine tient à affirmer l’une des caractéristiques du personnage de Phèdre, tel qu’il la tire des auteurs antiques et tel qu’il la recompose : « Ni tout à fait coupable, ni tout à fait innocente. » Cet interstice, où la faute n’est pas tout-à-fait une faute, ni tout-à-fait une innocence, interpelle. Ici s’ouvre un abîme. Ici s’étend la superbe complexité humaine sur la large et grande plaine de l’exister. Racine prend un soin extrême à ne pas avilir ses personnages. Aucun d’eux n’est guidé par des passions basses, des commodités peu scrupuleuses, ni par un cynisme de circonstance où serait logé une béance de l’âme. Une lucidité sur soi et sur les autres court tout le long de la pièce. Mais toute lucidité, aussi intense et déterminée soit-elle, ne peut combler les manques, les impondérables failles de l’attention, les limites de toute intelligence, de toute sensibilité. La tragédie s’inscrit dans ses failles, non contre la qualité morale des protagonistes. Le mot est lâché, avec lequel notre époque est fâchée. On peut lui substituer sans perte aucune, celui de valeurs, tant ce sont les valeurs qui orientent les personnages dans leur conduite des affaires humaines, ce sont elles avec lesquelles ils luttent pour ne pas transiger, ne pas s’abîmer dans le flot de leurs passions. Les valeurs sont elles-mêmes constitutives de sens, elles sont constamment en examen sur la balance de la justice où s’exerce le tourment des personnages, dans la pesée du choix de leurs actions ou de leurs silences. Où leur empire sur eux-mêmes est mis à si rude épreuve. Leur liberté d’agir ou de se réfréner n’est jamais mise en suspension. Et pourtant ils échouent, dépassés, malmenés, vaincus par leurs affects réprimés ou déchaînés. Pas d’échappatoire.

Dans Phèdre, de Racine, on meurt de ne pas parler et l’on meurt de parler. Débrouillez-vous avec ça. Le mensonge est un crime plus noir que l’inceste. Dire la vérité entraînerait la ruine, ne pas la dire également. La pièce n’apporte pas de réponse contre cette double contrainte sur laquelle s’avance la tragédie. Elle nous abandonne, sidérés et subjugués devant cette indéchiffrable énigme.