28 NOVEMBRE – 23 DÉCEMBRE 2018

Dire et chanter Brassens…

Avec Roland Vouilloz, Philippe Mathey, François Nadin (voix) et Narciso Saùl (guitare)
Conception & mise en scène Françoise Courvoisier. Lumière Rinaldo Del Boca. Photos Anouk Schneider

SYNOPSIS

Les textes et les mélodies de Georges Brassens demeurent un bonheur d’intelligence et de simplicité. Il chante ce que l’on n’ose pas dire avec des mots toujours justes. Il célèbre l’insoumission et la liberté de pensée, la beauté des femmes (avec parfois une certaine paillardise) et dénonce avec un malin plaisir l’hypocrisie, l’injustice, la lâcheté… Trois « comédiens qui chantent », bien connus des scènes romandes, se partagent le nectar d’un répertoire d’une richesse inépuisable.
Misogyne, Brassens ? Oh que oui et oh que non ! C’est bien la complexité de son rapport aux femmes, à la société et au monde qui nous intéresse. Chacune de ses chansons est le fruit d’une nécessité de dire.Dire le sentiment amoureux comme son revers (Saturne, mais aussi Misogynie à part); la tendresse pour son semblable comme sa rogne (L’Auvergnat, mais aussi Le Gorille)…

HORAIRES

Mercredi, jeudi, samedi 19h • Vendredi 21h • Dimanche 17h

Relâche lundi & mardi

MISOGYNE, BRASSENS?

Notes de mise en scène, F. Courvoisier, octobre 2018

Oh que oui et oh que non ! C’est bien la complexité de son rapport aux femmes, à la société et au monde qui nous intéresse. Loin d’être parfait ou donneur de leçons, il n’écrit jamais « sur rien ». Chacune de ses cinquante chansons est le fruit d’une nécessité de dire. Dire l’amour de la femme comme son revers (Saturne, mais aussi Misogynie à part); la tendresse pour son semblable comme sa colère et son mépris (L’Auvergnat, mais aussi Le temps ne fait rien à l’affaire)… Aussi paillard (Fernande) que tendre et délicat (Un petit coin de parapluie), il est sans doute le plus libre de tous les poètes anarchistes de sa génération. Partageant neuf ans durant l’amour de Jeanne (de trente ans son aînée !) avec Marcel Planche, le mari de Jeanne qui devient vite son ami ; refusant les compromis et se faisant parfois interdire de vente (La mauvaise réputation, Le Gorille…) ; insolent sans méchanceté, il met surtout la barre très très haut au niveau des paroles. Je suis à ce propos heureuse de collaborer avec l’Université Populaire de Genève sur ce projet, qui a déjà réservé une soirée pour ses élèves… un excellent présage !

Objectifs du spectacle ?
Faire entendre (aux plus jeunes) et réentendre (aux autres) les textes des chansons de Brassens pour leur intelligence, leur poésie et leur santé. L’interprétation de Brassens, comme celle d’autres auteurs compositeurs interprètes, entraîne parfois une certaine lassitude chez l’auditeur car elle est si « typée » qu’on croit parfois entendre toujours la même mélodie et qu’on n’écoute plus vraiment les paroles des chansons. Or, si l’on y regarde de plus près, les mélodies des Brassens sont très variées, parfois même sophistiquées ; et les paroles d’une inventivité et d’une richesse inouïes.

Nous aborderons l’œuvre de Brassens comme on le ferait pour une pièce de Claudel, de Sacha Guitry ou de Ionesco, considérant cet artiste comme un dramaturge et un penseur français d’envergure, qui a choisi pour s’exprimer le biais de la chanson.
Bien souvent jugée comme « un art mineur », cet art populaire qu’est la chanson, à la portée de tous, peut atteindre des sommets d’intelligence et de clarté. Les chansons de Brassens en sont la preuve.

Écouter Brassens à travers les voix de trois artistes d’ici et de maintenant, c’est aiguiser notre regard critique sur le monde, c’est élargir les parois de nos cœurs, sortir des chemins battus, faire souffler un vent de liberté…

L’équipe artistique
Philippe Mathey et Roland Vouilloz ont en commun qu’ils ont grandi dans le Valais, dans une famille nombreuse et catholique, où ils ont tous deux été enfants de chœur, les dimanches matin, à l’église. Ils ont appris à chanter dès l’âge de cinq ans et chantent un peu « comme on respire », sans avoir jamais pris de cours de chant dans aucun Conservatoire. Ils chantent « naturellement » et comme moi, ils aiment Georges Brassens, paroles et musiques confondues. Georges Brassens l’anticlérical, Georges Brassens l’anticonformiste, l’antimilitariste, l’antisocial, l’anti-conventionnel… Georges Brassens, le doux anarchiste.

Depuis quelques temps j’avais l’idée de réunir Roland Vouilloz et Philippe Mathey, deux comédiens qu’on aime toujours voir sur scène parce qu’ils sont profondément impliqués dans leur jeu. Ce sont des comédiens qui incarnent si bien leur personnage que pour un temps, ils se mettent à lui ressembler. Tantôt ils grossissent, partent à la dérive, puis se reprennent, bombe le torse ou se rasent la tête… prêts à tout pour mieux épouser le rôle du moment, au dehors comme au-dedans.

Pourquoi un troisième, François Nadin ? Nous n’allons pas « incarner Brassens » mais plutôt nous approprier ses textes. Multiplier les couleurs de cet hommage est pour moi le meilleur moyen d’enrichir encore l’étendue et la portée de cette œuvre si singulière, à la fois bien connue et méconnue. J’ai souvent admiré le tempérament « brûlant » de François Nadin, son intelligence du texte mais c’est dansL’Opéra de quatre sous de Bertolt Brecht, mis en scène par Joan Mompart à la Comédie de Genève, que j’ai découvert ses talents de chanteur. Plus récemment dans Complètement Dutronc, il charmait le public avec une voix d’une douceur insoupçonnée, un vrai « crooner » ! Quel beau contraste que sa voix au registre cristallin (lorsqu’il utilise les résonateurs de tête) avec la voix grave et profonde de Roland Vouilloz et celle, douce et chaleureuse, de Philippe Mathey.

Chanter Brassens ! Nombreux sont ceux qui s’y sont cassé les dents… Ce défi n’était envisageable à mes yeux qu’avec un trio hors pair. Avec François Nadin, Philippe Mathey et Roland Vouilloz, le projet devient possible.

Ne restait qu’à trouver l’écrin idéal ! Le Théâtre des Amis (rebaptisé Les Amis musiquethéâtre), avec ses allures de cabaret artistique et sa petite jauge de 80 places, nous a semblé parfait pour créer cette complicité scène-salle nécessaire au projet.

Quant aux autres partenaires artistiques, j’ai choisi pour accompagner les comédiens et revisiter les arrangements musicaux un très grand guitariste originaire de Buenos Aires, Narciso Saùl, avec lequel j’ai déjà eu la chance de travailler (Le Blues de la bourgeoise). Il sera donc le quatrième homme de Misogynie à part.
Enfin c’est Rinaldo Del Boca à la lumière et Nicolas Le Roy au son, deux créateurs inspirés avec lesquels j’ai la chance de collaborer depuis plus de vingt ans, qui complèteront l’équipe.

La grâce de Georges Brassens
Si la simplicité de Georges Brassens en a fait l’un des artistes les plus aimés du patrimoine culturel français, que ses textes sont aujourd’hui étudiés dans les écoles et que de nombreux interprètes reprennent ses chansons, il a attendu dix ans avant qu’un cabaret parisien lui ouvre ses portes, lui donnant l’opportunité de réaliser ses premiers succès.

Il émane de l’ensemble de ses chansons une cohérence assez extraordinaire. Son œuvre est étroitement liée à sa vie, qu’il mène obstinément en dehors des sentiers battus. Ses premiers enregistrements « La mauvaise réputation » et « Le Gorille » sont interdits de vente et les prêtres dans les églises, au début des années cinquante, déconseillent à leurs paroissiens les chansons de Brassens, considérées comme « diaboliques ».

Fidèle à ses idées mais aussi à ses amis, lorsqu’il devient célèbre, Georges Brassens ne tourne pas le dos à ses compagnons de vaches maigres, au contraire. Il restera chez Jeanne et Marcel Planche, qui l’ont hébergé avec tendresse et générosité depuis 1939 lors de son arrivée à Paris alors qu’il n’a que vingt ans et pas un sou en poche. C’est cette vie-là qu’il a choisie, une vie simple, loin des flonflons du show-biz. D’ailleurs il leur dédie deux de ses plus beaux titres : « L’Auvergnat » et « La Jeanne ».

Chez Jeanne, la Jeanne
On est n’importe qui, on vient n’importe quand
Et, comme par miracle, par enchantement
On fait partie de la famille
Dans son cœur, en se poussant un peu
Reste encore une petite place

La Jeanne, la Jeanne
Elle est pauvre et sa table est souvent mal servie
Mais le peu qu’on y trouve assouvit pour la vie…

Quelques vers dont la beauté se passe facilement de commentaire.

Georges Brassens m’accompagne depuis ma petite enfance, où mon père – bien que musicien classique – écoutait ses disques en boucle, le sourire aux lèvres. Un petit coin de parapluie, La non-demande en mariage, Quatre-vingt-neuf fois sur cent…  Encore aujourd’hui, si je veux partager un bon moment avec lui, on réécoute Brassens, qui a le don de nous réjouir en nous ramenant aux choses essentielles de la vie : l’amour, la liberté, l’amitié…